Qu’est-ce que la CSRD ?
La CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive, est une directive européenne relative à la publication des données extra-financières des entreprises. Elle vient compléter l’actuel NFRD, ou Non Financial Reporting Directive, qui fixait jusqu’à aujourd’hui un cadre relativement vague quant aux obligation de publication de données RSE par les entreprises.
La CSRD précise largement le reporting extra-financier attendu par les entreprises tout en élargissant le nombre d'organisations concernées par ce reporting. En laissant moins de place à l’interprétation sur les données attendues et leur niveau de précision, l’objectif du CSRD est de rendre les informations communiquées publiquement plus exhaustives et plus fiables, notamment pour les investisseurs :
- En uniformisant les rapports extra-financiers grâce à la mise en place de normes de reporting à l’échelle européenne, définies par l’EFRAG. Jusqu’ici, les entreprises étaient libres de choisir quelle norme elles souhaitaient suivre. Cela facilitera la comparaison des reporting de différentes entreprises grâce à un langage commun à tous.
- En rendant obligatoire l’audit des rapports par le Commissaire aux Comptes – ou par un Organisme Tiers Indépendant, selon la volonté de chaque état membre de l'UE.
- En étendant le scope des entreprises concernées, qui sera multiplié par cinq par rapport à celui de la NFRD. Le reporting concerna ainsi plus de 50 000 entreprises.
Cette nouvelle directive a pour but de rediriger les flux d’investissements vers les projets en accord avec le développement durable visé par l’Union Européenne. Elles sont donc en ligne avec la SFDR - Sustainable Finance Disclosure Regulation et la taxonomie européenne.
Ce travail de reporting sera obligatoire pour les entreprises couvertes par le scope, les pénalités encourues seront fixées par chaque pays membre au cours des prochains mois.
Qui est concerné par la CSRD ?
Entreprises européennes
Les entités européennes concernées par cette nouvelle obligation de reporting sont celles qui répondent à au moins deux des trois critères suivants :
- Employer 250 salariés ou plus.
- Générer 40 millions d’euros de chiffre d'affaires ou plus.
- Avoir un bilan de 20 millions d’euros ou plus.
Sont également concernées les PME cotées sur les marchés européens répondant à au moins deux des trois critères suivants :
- Employer 50 salariés ou plus,
- Générer 8 millions d’euros de chiffre d'affaires ou plus.
- Avoir un bilan de 4 millions d’euros ou plus.
Dans une démarche d'engagement de transparence, les PME non cotées pourront également se plier à la publication de leurs données extra-financières suivant le même cadre.
Entreprises non européennes
Les entreprises non européennes qui génèrent plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires net dans l'UE devront elles aussi se soumettre à la publication de données sur la durabilité de leur activité.
Quelles informations relatives au changement climatique devront figurer dans le reporting ?
L’EFRAG, European Financial Reporting Advisory Group, a publié récemment une première version des informations de reporting attendues dans le cadre de la CSRD. L’ensemble des données se découpent en 12 documents distincts qui abordent chacun un sujet spécifique de reporting autour de la RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises :

Chaque document décrit les informations et le contenu attendus dans le rapport extra-financier concernant un sujet social et environnemental. Ci-dessous une synthèse du document "Climate Change" et du contenu qui serait à priori demandé par la CSRD sur le sujet spécifique du changement climatique (atténuation du changement climatique et adaptation au changement climatique) :

Le Bilan carbone et le plan d'action de transition.
Dans la section du rapport de la CSRD liée au changement climatique, l’entreprise devra présenter :
- Son impact sur le climat, c’est-à-dire son bilan carbone. La norme à suivre sera celle du GHG protocol et du GRI 305. Une comptabilisation des émissions sur l’ensemble de sa chaine de valeur est requise et doit donc couvrir les scope 1, scope 2 et scope 3.
- Sa capacité d’adaptation au changement climatique actuellement projeté (+1,5°C) mais aussi au changement climatique prévu par des scénarios moins optimistes. Elle doit préciser quels sont les risques et opportunités (financiers et matériels) de l’entreprise liés au changement climatique.
Les objectifs, les trajectoires et les engagements.
Chaque entreprise devra déterminer une trajectoire de réduction de ses émissions de GES, et devra également expliquer comment elle atteindra ses objectifs. Les entreprises devront présenter :
- Un objectif compatible avec une trajectoire à +1,5°C, conformément aux accords de Paris, qui sera définie par un objectif de réduction des émissions précisant également s’il est basé sur la science, ainsi que des actions mises en place dans le passé, le présent et le futur, et leur impact (passé, présent et futur) sur les émissions de l’entreprise.
- Une trajectoire à horizon 2030, voire 2050 si possible, avec une révision de l’objectif et une redéfinition de l’année de référence tout les cinq ans à partir de 2030.
Chaque entreprise devra également justifier la cohérence de son plan de transition avec sa stratégie commerciale et financière.
Les moyens alloués à l’implémentation du plan de transition.
Le rapport devra également comporter une synthèse complète sur le plan de transition et présenter les moyens et ressources financières investis dans ce plan de transition, notamment en communiquant sur les volumes significatifs de CapEx et d’OpEx mobilisés.
Les entreprises devront également présenter chaque année leurs avancées dans l’implémentation de leur plan de transition.
Les politiques de l’entreprise.
Afin d’expliquer comment l’entreprise est en mesure de mettre en oeuvre son plan de transition climatique, les politiques de l’entreprise liées à l’environnement devront être exposées selon cinq axes :
- Atténuation du changement climatique,
- Adaptation au changement climatique,
- Efficacité énergétique,
- Déploiement de l’énergie renouvelable,
- Divers pour les sujets restants.
Le Mix énergétique de l'entreprise.
Les entreprises devront communiquer sur leur consommation d’énergie en absolu, ainsi que préciser leur mix énergétique. Une séparation claire de la consommation d’énergie par source d’énergie devra être détaillée pour les entreprises des secteurs à fort impact climatique, en communiquant :
-> D’une part, sur la consommation d’énergies d’origine non-renouvelable,
- Charbon,
- Combustibles pétroliers,
- Gaz,
- Combustibles autres,
- Produits nucléaires,
- Électricité, réseau de chaleur, réseau de vapeur, réseau de froid d’origine non-renouvelable,
-> D’autre part, sur la consommation d’énergies d’origine renouvelable,
- Biogaz,
- Électricité, réseau de chaleur, réseau de vapeur, réseau de froid d’origine renouvelable,
- Production interne d’électricité.
Le Financement de projets de séquestration des GES et d’atténuation du changement climatique.
Les entreprises devront également communiquer sur la quantité de GES retirée de l’atmosphère et séquestrée durablement. Elles devront être distinguées selon le type de projet :
- séquestration de GES au sein de la chaine de valeur de l’entreprise,
- séquestration de GES à travers des projets financés hors de la chaine de valeur de l’entreprise.
L’objectif de cette directive est de mesurer la capacité de l’entreprise à contribuer à l’objectif du net zéro.
Le prix interne du carbone.
S’il y a lieu, les entreprises ayant mis en place une tarification interne du carbone devront expliquer le système mis en place et le champ d’application : activités et entités couvertes, quantité de GES par catégorisation (scope 1, 2 ou 3), méthodologie de calcul.
L'importante notion de Double Matérialité.
Une notion très importante requise dans la CSRD est l’approche de l’ensemble des points cités plus haut par celui de la double-matérialité. Chaque entreprise devra expliquer dans son rapport comment elle impacte le changement climatique mais aussi comment celui-ci impacte ses activités et son plan de transition (impacts physiques et financiers sur toute la chaine de valeur de l’entreprise). Ainsi, elle devra présenter une analyse rigoureuse des risques et opportunités liés au changement climatique et justifier sa capacité d’adaptation au changement climatique. Cette section du rapport inclura notamment une analyse des impacts positifs et négatifs financiers liés au changement climatique :
- Les impacts financiers potentiels liés aux risques matériels physiques (par exemple les risques de stress hydrique, de départs de feu),
- Les impacts financiers potentiels liés aux risques inhérents de transition de la société (par exemple l’évolution des coûts, la mise en place de nouvelles législations),
- La capacité à saisir les éventuelles nouvelles opportunités liées au changement climatique.
Calendrier de la CSRD : les dates clés.
Le déploiement de cette nouvelle obligation sera progressif jusqu’à 2026 selon les tailles des entreprises.

Afin d’aider les entreprises a réaliser ce premier exercice de publication, l’EFRAG prévoit de publier des normes et des directives de rédactions en deux fois.
-> 30 juin 2023 : publication du premier jet de normes de reporting,
-> 30 juin 2024 : ajout de compléments d’informations sur les normes de reporting,
- Directives sectorielles,
- Directives propres aux PMEs, plus proportionnées à la taille de ces entreprises.
Comment préparer son entreprise à la CSRD ?
Si votre entreprise était déjà soumise à la NFRD, le grand changement à venir pour vous sera l’obligation de reporter sur une stratégie RSE de réduction des impacts.
Le cas échéant, vous allez devoir commencer dès début 2024 la collecte de données ESG afin de pouvoir reporter au 1er Janvier 2025. Afin de prendre de l’avance, vous pouvez, entre autres :
- Vous interroger sur la place de votre entreprise et le rôle qu’elle peut jouer dans la transition énergétique et écologique,
- Identifier les risques et impacts sur les critères ESG,
- Collecter de premières données ESG (Le bilan carbone en est un exemple),
- Préparer une stratégie RSE pour réduire votre impact.
Sources
Corporate Sustainability Reporting Directive proposal