Rapport du GIEC: Comment nous adapter au changement climatique ?

Rapport du GIEC: Comment nous adapter au changement climatique ?

Zoom sur le CRD, le Cadre de Résilience au changement climatique proposé par le GIEC.

Mylan Hoang

Mylan Hoang

Climate consultant

Mise à jour :
7/12/2023
Publication :
1/4/2022

Vous avez peut-être vu ou entendu ce chiffre : entre 3,3 et 3,6 milliards d’humains vivent dans des zones à risques liées au changement climatique. Ces risques climatiques sont nombreux : évènements météorologiques plus intenses, fréquents et longs (épisodes de chaleur extrême, incendies, sécheresse, inondations, etc.), insécurité alimentaire et en eau, atteinte à la santé physique et mentale des êtres humains, etc. Ils touchent tous les continents. Pour faire face à ces risques et en limiter les dégâts, le GIEC présente des facteurs identifiés dans la littérature scientifique qui pourraient nous aider à faire la transition vers un modèle résilient : le “Climate Resilient Development” (CRD).

Comment définir notre résilience climatique ? Il s’agit de notre capacité sociale, économique et de celle des écosystèmes à faire face aux événements, tendances et perturbations climatiques. Nous allons faire un zoom sur ce point du rapport dans cet article, et comprendre pourquoi il est crucial d’envisager ce type de développement pour transformer nos systèmes de façon viable.

Rappel: Qu'est-ce que le rapport du GIEC ?

Le rapport d’évaluation du GIEC est un rapport synthétisant l’ensemble informations scientifiques et techniques relatives au réchauffement climatique. Il s’agit aujourd’hui du travail le plus abouti concernant l’origine et les impacts du réchauffement sur la planète. Nous vous parlions du premier volet de ce rapport dans cet article.

Le 28 février 2022, le second volet du rapport fut publié. Il met en lumière les impacts majeurs, et potentiellement gravissimes, que le changement climatique pourrait engendrer. Mais il propose également des pistes de "solutions" pour nous permettre de limiter les dégâts et d'adopter un mode de vie résilient sur le long terme.

L'urgence d'agir au plus vite

L’urgence d’une action immédiate est régulièrement rappelée dans le rapport : en raison des mesures prises et non prises dans le passé, nous sommes aujourd’hui restreints à une fenêtre d’action climatique plus petite, qui ne cesse de diminuer avec le temps. Nous avons encore de quoi rester sous les 1.5°C : les résultats et impacts du changement climatique à long terme dépendent fortement des choix d’actions climatiques à court terme.

La figure ci-dessous nous montre les opportunités de trajectoire nous permettant de rester sous la barre de 1.5°C et les résultats d’une telle trajectoire : La trajectoire dépend de critères économiques, sociaux et environnementaux.

Climate Resilient Development

Comment agir ? Zoom sur le Climate Resilient Development -CRD

Le 18ème chapitre de ce volet synthétise la littérature existante liée au sujet du “Climate Resilient Development” ou CRD. Mais qu’est-ce le CRD ?

Il s’agit du déploiement de trois actions en parallèle :

  • Atténuation du changement climatique.
  • Adaptation des systèmes naturels et humains au changement climatique.
  • Développement durable (selon les 17 objectifs de développement durable de l’ONU).

La combinaison de ces actions vise à construire des trajectoires CRD vers un objectif de +1.5°C maximum : il est à retenir qu’une trajectoire CRD n’est pas un chemin tout tracé mais un processus continu de prises de décisions et d’actions qui renforcent le développement durable, la réduction de la pauvreté et des inégalités, et une adaptation équitable et intersectorielle.

Selon ce volet du rapport, il n’est plus viable de se préparer aux futurs potentiels qui nous attendent sans l’une de ces trois actions. La réduction des gaz à effet de serre (GES) et le développement durable sont interdépendants, et l’adaptation au changement climatique ne peut se faire sans ces deux premiers leviers d’actions. En effet, de nombreux systèmes ont déjà atteint leurs limites strictes et/ou souples d’adaptation et les scénarios d’adaptation proposés dans la littérature ne seraient plus efficaces voire réalisables si l’élévation de la température moyenne dépassait les 1,5°C. Il est donc important de s’appuyer sur des trajectoires qui allient conjointement ces 3 actions.

Qui doit agir pour la résilience, quand et où ?

Quand ?

Pour maximiser l'impact, il faut bien évidemment agir le plus tôt possible. Premièrement, les trajectoires empruntées actuellement, fortement à la hausse, nous éloignent des objectifs de développement durable.

Ensuite, les évènements liés au réchauffement climatique engendrent des difficultés sociales et économiques qui impactent négativement notre capacité à entreprendre et investir dans la décarbonation. Si 500 millions de personnes sont forcées à quitter leur pays devenu inhabitable, la préoccupation première des voisins sera-t-elle vraiment d'investir dans la décarbonation ?

De plus, il existe un dangereux cercle vicieux lié à l'augmentation des émissions: les points de bascules.
Ces points de bascules correspondent à un certain de niveau de réchauffement au delà duquel un équilibre géologique est définitivement rompu, et engendre par la même de nouvelles émissions de GES. Par exemple: Nous risquons d'atteindre prochainement le point de bascule au delà duquel la fonte du Permaforst dans l'arctique deviendra irréversible, libérant potentiellement des tonnes de GES auparavant stockées dans le sol gelé.

Qui et où ?

Dans le contexte d’un développement résilient climatique, le rapport distingue deux grands types de régions :

  • Les économies dites “développées, matures et très résiliantes”, qui pourraient se concentrer sur l’aspect de la transition énergétique et de la réduction des émissions de gaz,
  • Les économies touchées par la pauvreté et davantage d’inégalités, qui pourraient en priorité s’attaquer à la réduction de ces critères par un développement économique à court terme, et bénéficier à long terme d’une meilleure capacité d’action climatique.

Ainsi, à notre échelle en France, notre plus grand enjeu aujourd’hui correspond au premier point.

Qui sont les acteurs ? Ce sont une multitude de protagonistes dans la prise de décision (gouvernements, industries, médias, société civile, sciences) qui font partie de différents systèmes de gouvernance pour la mise en place de ces actions (locales, urbaines, territoriales, européennes, mondiales). Nous sommes tous concernés !

Exemples de mesures d'adaptation climatique concrètes

Petit zoom sur quelques points mentionnés dans le rapport sur les types de mesures qui vont dans le sens d’une résilience climatique.

1. Co-bénéfices entre les objectifs de développement durable et la résilience climatique

De nombreuses priorités du développement durable vont dans le sens de l’atténuation du changement climatique et de la résilience climatique. Par exemple, les politiques de réduction de la pollution de l’air améliorent la qualité de l’environnement (facteurs santé et préservation des écosystèmes). Autre exemple, la démocratisation de l’accès à l’eau potable aide à réduire la pauvreté (développement durable) et augmente la résilience des populations vulnérables aux impacts climatiques. C’est un aspect largement mis en lumière dans le rapport : les bénéfices sociaux d’un développement durable contribuent à la résilience climatique et parfois à la réduction des impacts sur le changement climatique.

2. Inclusion de toutes les catégories sociales dans le processus

Sur de nombreux points, le rapport appuie l’importance de mener des mesures inclusives de toutes les catégories sociales pour les objectifs de développement résiliant au climat. Comme précisé plus haut, cette transition vers un modèle soutenable met en jeu une multitude d’acteurs, qu’il faut prendre en compte dans l’ensemble : toutes les catégories sociales et culturelles peuvent apporter un bénéfice au développement résilient. À titre d’exemple, le rapport note que les connaissances des peuples indigènes ainsi que les savoirs faire locaux peuvent apporter des solutions majeures dans la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité alimentaire, la conservation de la biodiversité et d’autres points.

Autre exemple, sur l’intégration des différentes catégories sociales dans ce développement : les progrès des mouvements pour le climat sont aujourd’hui majoritairement animés par des jeunes. Certains, combattent l’inaction climatique en appelant à des actions disruptives, et militent pour la prise de conscience collective sur le sujet. Résultat : ces mouvements ont menés à des décisions fortes, d’un point de vue politique et ce à des échelles locales et nationales.

D’un point de vue adaptation également, il est impératif d’inclure toutes les catégories sociales, par exemple dans l’élaboration de stratégies d’adaptation. Le rapport indique qu’il est nécessaire de prendre en compte les populations les plus vulnérables, notamment celles qui sont davantage soumises à des inégalités sociales (femmes, enfants, minorités, ...) dans les scénarios d’adaption, car ces inégalités exposent de façon différentes les populations aux risques climatiques.

3. “Solutions basées sur la nature”

Un point central du développement résilient climatique est la conservation de la biodiversité et le maintien des écosystèmes.

Pour cela, des solutions dites basées sur la nature et les écosystèmes sont des moyens de réduire les risques climatiques en atténuant le changement climatique, assurant la sécurité alimentaire. Par exemple, parmi des opportunités d’adaptation citées, le développement d’une agriculture adapté au changement climatique ou encore le développement de grands espaces verts pour assurer une resilience urbaine.

De la même façon qu’il existe des synergies entre inclusion des catégories sociales et développement durable résiliant, il existe de vrais co-bénéfices dans le maintient conjoints des écosystèmes, de la biodiversité et le développement durable résiliant.

4. Efforts groupés multi-sectoriels

Enfin, pour finir sur un point (parmi tant d’autres que nous n’avons pas cités), le rapport pointe l’importance de développer des solutions multi-sectorielles. Il cite pour exemple 5 transitions clés : une transition vers un système de production d’énergie propre, de production d’aliments durables, d’un urbanisme et de transports adaptés, d’une couverture sanitaire universelle et d’une protection sociale qui tendent vers des bénéfices communs en terme de santé et de bien-être. Il est possible que ces cinq transitions doivent être menées simultanément pour aboutir à un développement résilient au climat. Nous devons faire avancer tous les secteurs sur le sujet climatique, oui tous.

💡 À nous de jouer !

Ce qu’il faut retenir de ce chapitre et de ce rapport, c’est qu’il nous reste une fenêtre d’action pour transiter vers une société soutenable et qu’il faut la viser dès aujourd’hui ! En plus des rapports précédents, ce dernier appuie particulièrement l’importance de la justice sociale dans la mise en place d’un développement résilient au climat et d’une réelle synergie entre les différents secteurs, écosystèmes, acteurs (caractère inclusif du développement).

Parmi les nombreuses trajectoires évoquées et possibles, les actions et solutions interagissent énormément selon des synergies mais présentent également des contreparties qu’il faut savoir mesurer lors de l’établissement d’un modèle durable et résilient au climat. Certains compromis devront être faits, car les acteurs percevront certaines actions comme non souhaitables ou non éthiques. Par conséquent, l'amélioration de l'équité est une considération à part entière dans la réalisation d’un tel développement. Ces transitions peuvent générer des avantages dans différents secteurs et régions, à condition qu'elles soient facilitées par des conditions favorables appropriées. Cela passe notamment par une gouvernance efficace, la mise en œuvre de politiques, l'innovation et le financement du climat et du développement, qui sont actuellement insuffisants. À chaque échelon, chaque secteur, on a son rôle à jouer dans cette transition.

Il n’y a pas de solution miracle, ni de guide utilisateur clair. Il est possible de réajuster les décisions prises au fur et à mesure et surtout il est urgent qu’on esquisse cette trajectoire avec des moyens ambitieux pour rester sous la barre 1.5°C qui nous permettront vivre dans un monde soutenable.

Conclusion : nous avons encore de quoi agir, à chacun de jouer sa part et ce, tous ensemble !

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