Les rapports extra-financiers font désormais partie des process annuels des entreprises. Ces reportings, bien que relativement récents, se sont considérablement enrichis au fur et à mesure des années et deviennent très exigeants.
Difficile cependant de passer à côté. Certains sont obligatoires, à l’instar de la CSRD européenne dont la mise en œuvre démarre au 1er janvier 2024, d’autres sont au libre choix de l’entreprise (CDP, GRI, ISSB) mais deviennent essentiels sous la pression de nombreuses parties prenantes, à commencer par les clients et investisseurs.
La multiplication de ces reportings entraîne in fine une multiplication des normes afférentes. Pour les directions RSE et les DAF, premier concernés, cela peut vite devenir un casse-tête. Les différences de données à collecter, de format de reporting, d’exigences en matière de traitement de ces informations nécessitent une implication forte des équipes concernées et la constitution de ces rapports devient rapidement chronophage.
Ces derniers mois, et sous l’impulsion de la CSRD, ces différentes normes de reporting ont eu tendance à converger. Néanmoins, des différences persistent, souvent liées à l’origine de ces reportings et/ou à leurs objectifs finaux.
Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons réalisé un comparatif de différentes normes de reporting extra-financiers. Vous trouverez dans cet article une analyse croisée de 4 grands cadres de normes internationales :
- la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive)
- l’ISSB (International Sustainability Standards Board)
- le CDP (Carbon Disclosure Project)
- la GRI (Global Reporting Initiative)
Les différentes visions et process
Chaque cadre de rapport extra-financier dispose de son ensemble de normes spécifiques :
- les ESRS pour la CSRD
- les IFRS S pour l’ISSB
- les questionnaires CDP pour le CDP
- les standards GRI pour la GRI
A l’exception du CDP qui fonctionne donc sur un système de questionnaires, ces normes permettent de cadrer les modes de collecte et de traitement des différentes données qui constitueront le rapport extra-financier.
La première question à soulever est celle du caractère obligatoire ou volontaire de ces reportings.
Parmi les quatres cadres analysés, seule la CSRD est obligatoire pour les entreprises de l’Union européenne ainsi que pour les entreprises hors Union européenne générant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 150 millions d’euros au sein de l’UE.
Le CDP et la GRI sont à compléter de manière volontaire. A noter néanmoins que les résultats des questionnaires CDP sont régulièrement scrutés voire exigés par les investisseurs internationaux.
L’ISSB a un positionnement plus ambivalent. Si, originellement, il doit être complété de manière volontaire, certains Etats, tel que le Brésil ou le Royaume-Uni l’ont rendu obligatoire.
Concernant leur domaine d’application, ils sont reconnus à l’international. La CSRD quant à elle concerne uniquement l’Union européenne. Une entreprise européenne agissant à l’international sera donc susceptible de devoir compléter plusieurs formats de reporting.
Une autre question clé est celle de l’analyse de matérialité à réaliser en amont de la plupart des reportings à l’exception du CDP. Si la CSRD et la GRI exigent une analyse de double matérialité, ie matérialité financière et matérialité d’impact, l’ISSB ne demande qu’une analyse de matérialité financière.
Enfin, un point sur lequel les normes diffèrent toutes est celui de l’audit des reportings publiés par les entreprises. S’il est obligatoire dans le cadre de la CSRD, il ne l’est pas toujours dans le cadre de l’ISSB (tout dépendra des règles établies par les pays l’ayant rendu obligatoire). Le CDP le rend obligatoire uniquement pour obtenir la note A de son classement. Pour la GRI, il n’est que conseillé.
A noter que seul le CDP propose une classification des entreprises sur 4 niveaux en fonction des résultats de leur reporting.
Des champs d’application variés
Si le volet climatique reste l’élément au cœur de tous ces cadres normatifs, les rapports extra-financiers ont presque tous élargi leur champ d’action à de nombreuses variables ESG, considérées aujourd’hui comme indissociables des problématiques environnementales.
La dimension environnementale
Tous les cadres de reporting traitent de la dimension environnementale. Certaines ont étendu leur analyse à de nouvelles thématiques allant beaucoup plus loin que la seule analyse des émissions carbone.
Si l’ISSB se concentre sur le volet purement climatique, la CSRD, le CDP et la GRI ont intégré des variables prenant en compte les sujets suivant :
- énergie
- pollution
- ressources en eau
- biodiversité
- gestion des déchets
La CSRD et la GRI comportent également des normes traitant de l’engagement de l’entreprise en matière d’économie circulaire.
La dimension sociale
A ce jour, seules la CSRD et la GRI comportent des normes de reporting traitant le volet social. Si l’ISSB a prévu d’en intégrer prochainement, le CDP, quant à lui, n’a pas prévu pour l’heure d’intégrer ces éléments à ses questionnaires.
Dans ce domaine, c’est la GRI qui aborde la plus grande variété de sujets.
Parmi les éléments traités par les deux standards, nous trouverons notamment :
- la diversité au sein de l’entreprise
- la gestion du dialogue social
- la politique de formation
- la protection sociale des salariés
- la politique en matière de santé et de protection des salariés
- …
La différence entre les 2 cadres normatifs réside dans quelques critères externes à l’entreprise. Le GRI prend ainsi en compte l’impact des activités de la société sur les communautés locales, l’évaluation sociale de ses fournisseurs ou encore la santé et la sécurité des consommateurs.
A l’inverse, contrairement à la CSRD, la GRI ne prend pas en compte la politique salariale de l’entreprise et son équité.
La dimension gouvernance
Tout comme pour le volet social, la gouvernance est un sujet uniquement traité par la CSRD et la GRI. L’ISSB a également annoncé travailler sur son intégration.
La GRI dispose d’un panel de normes de reporting très complet sur ce volet. Leurs normes traitent :
- de la lutte contre la corruption ou la distribution de pots-de-vin
- du lobbying
- de la politique d’achat de l’entreprise
- de la performance économique
- des pratiques marketing et du respect des labels
- des comportements anti-concurrentiels
La CSRD, quant à elle, se concentre sur les trois premiers sujets évoqués.
Analyse des spécificités sectorielles
Chaque standard de reporting a publié ou prévoit de publier des normes sectorielles dont l’objectif est de s’adapter aux spécificités inhérentes à certains secteurs d’activité. Ces secteurs sont souvent ciblés car ayant un impact significatif sur le climat (transport, agriculture, exploitation des énergies fossiles…).
Ce sont les 77 SASB standards de l’ISSB et les 17 questionnaires spécifiques du CDP qui couvrent le plus grand nombre de secteurs à ce jour. La GRI dispose de 3 normes sectorielles spécifiques et en développe actuellement 3 nouvelles.
Côté CSRD, 7 ESRS sectoriels sont en cours de constitution et devraient être publiés courant 2026.
Vers l’interopérabilité des normes de reporting extra-financiers
De plus en plus d’entreprises sont concernées par la publication annuelle d’un, voire de plusieurs reportings extra- financiers. Les causes peuvent être multiples :
- un engagement fort de l’entreprise sur les sujets environnementaux et sociaux
- une pression des parties prenantes : clients, fournisseurs,investisseurs…
- un cadre réglementaire contraignant
Le risque qu’entraîne la multiplication des normes de reporting est que les entreprises soient moins engagées dans la constitution et la publication de ces rapports et se contentent donc du service minimum.
Passer du temps à constituer des rapports peut également jouer sur le temps que l’entreprise va consacrer à lutter ensuite contre l’impact négatif que son activité peut avoir sur les différents critères ESG traités dans ces rapports. Dans ce cas nous perdons de vue l’objectif premier de ces reportings, sensibiliser les entreprises et les pousser à agir pour le climat.
Les organisations en charge de ces normes ont bien compris ces problématiques et travaillent activement à rendre leurs normes interopérables. L’objectif étant de permettre aux entreprises de ne pas multiplier les efforts pour compléter leurs différents reportings extra-financiers mais bien de trouver des synergies entre eux.
Pour faciliter cette interopérabilité, des mappings sont construits, permettant de faire correspondre les données collectées aux catégories concernées dans chaque type de rapport. Vous saurez ainsi qu’une donnée X, collectée dans le cadre de l’ESRS E1 de la CSRD correspondra à une ou plusieurs réponses du questionnaire CDP.
Ce mapping permettra également aux outils de collecte les plus élaborés de vous fournir des rapports clés en main pour chaque standard de reporting en allant chercher chaque donnée nécessaire à leur construction parmi celles que vous aurez collectées.
Par ailleurs, ces différents standards sont amenés à se nourrir mutuellement. Par exemple, l'ESRS 1 dispose que les entreprises peuvent s'inspirer des exigences des standards du GRI et de l'ISSB si elles désirent divulguer des informations additionnelles qui ne sont pas requises par les ESRS. L'IFRS S1 a mis en place le même mécanisme.
Pour conclure, la plupart des standards sont aujourd’hui interopérables, limitant le risque de double reporting. L’EFRAG, en charge des ESRS de la CSRD, a déjà annoncé des hauts niveaux d’interopérabilité avec ses trois cousins et publié des index permettant de faire correspondre les informations collectées dans les ESRS avec les IFRS, les questionnaires du CDP et les normes de la GRI. Le GRI est même allé plus loin en expliquant que toute entreprise divulguant des informations sous le format des ESRS est réputée avoir effectué son reporting conformément au GRI (ce qui n'est pas le cas pour l’instant dans le sens inverse). De son côté, le CDP a annoncé travailler sur l'alignement de son questionnaire avec les ESRS et les IFRS S.